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Cueille
la Nuit textes divers |
épilogue ![]() |
(Geneviève Jurgensen, La Croix, 20 mai 1994) |
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Un poème trouvé sur la tombe de Clémence. Certains mots ont été effacés par l'humidité. |
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Le texte suivant a été publié dans l'hebdomadaire La Vie, suite à mon passage à l'émission de télévision Ça se discute |
J’AURAIS DIT...
En mars 1992, ma fille Clémence mourait d’un cancer ; elle
avait seize ans. Deux années plus tard, le journal que j’avais
tenu durant les quatre années de sa maladie était publié
(Cueille la Nuit, Édition°1), d’où ma
participation à l’émission Ça se discute consacrée au deuil, le 3 février dernier sur France 2. La
diversité des invités et la dispersion du sujet ne m’ont
guère permis d’exprimer tout ce que je souhaitais. Jean-Luc
Delarue ne m’a interrogé qu’une seule fois, sur mes
raisons de l’écriture d’un journal et sur son importance
dans mon deuil anticipé. Mais l’essentiel que je voulais
dire se situait ailleurs. |
La lettre suivante constitue mon témoignage au procès
de Claude Lucas, l'auteur de Suerte,
un roman autobiographique publié chez Plon dans la collection Terre
Humaine que dirige Jean Malaurie. Pourquoi ai-je témoigné
au procès de cet écrivain que je ne n'avais même jamais
rencontré ? C'était Clémence qui l'avait placé
sur ma route, je ne pouvais rester insensible à ce signe. |
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Toulouse, le 19 novembre 1996 Monsieur, Hélène
Lucas m'apprend que la date du procès de son mari est fixée
au 5 décembre. Votre stratégie est sûrement déjà
au point, et j'imagine quels en sont les points forts. Par amitié
pour Claude et Hélène Lucas, je me permets cependant de
vous présenter ici quelques éléments sans doute mineurs
mais qui pourraient compléter votre connaissance de Lucas, et donc
peut-être sa défense. Je vous autorise à faire de
cette lettre l'usage qui vous semblera bon. Oui, oui, sur Claude Lucas la très haute grâce de ma toute petite fille ! Veuillez agréer, Monsieur, l'expression
de mes sentiments distingués.
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APPARITION
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Se remembrer de Clémence
Chantal Robillard est membre de la liste OULIPO où, dans la lignée de Raymond Queneau et George Pérec, elle s'intéresse à la poésie sous fortes contraintes. On observera que son poème ne comporte pas d'autres voyelles que "e". Pour accéder au blog de Chantal Robillard, cliquer ici , et on peut aussi cliquer là. |
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Victor Hugo
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La douleur occupe la place de ma fille absente. Elle couche dans
son lit, elle va et vient avec moi ; elle prend ses jolis regards, me répète
ses mots, me rappelle ses grâces, habille de sa forme ses vêtements
vides... Oh, Seigneur ! ma belle enfant, ma vie, ma joie, ma nourriture,
tout mon monde !
Shakespeare |
Cette nuit-là,
j’eus un rêve délicieux, le premier depuis bien longtemps.
[…] Nous étions dans une campagne éclairée
des feux des étoiles ; nous nous arrêtâmes à
contempler ce spectacle, et l'esprit étendit la main sur mon front
[…] ; aussitôt une des étoiles que je voyais au ciel
se mit à grandir, et la divinité de mes rêves m’apparut
souriante […], telle que je l’avais vue autrefois. […]
Elle me dit : « L’épreuve à laquelle tu étais
soumis est venue à son terme ; ces escaliers sans nombre que tu
te fatiguais à descendre ou à gravir, étaient les
liens mêmes des anciennes illusions qui embarrassaient ta pensée.
Maintenant rappelle-toi le jour où tu as imploré la Vierge
sainte et où, la croyant morte, le délire s’est emparé
de ton esprit. Il fallait que ton vœu lui fût porté
par une âme simple et dégagée des liens de la terre.
Celle-là s’est rencontrée près de toi, et c’est
pourquoi il m’est permis à moi-même de venir et de
t’encourager. » Gérard de Nerval |
EN MÉMOIRE D’UN ENFANT
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2002. Je prépare ma retraite. Ayant travaillé au Canada dans les années 1970, je suis en relation avec la Régie des Rentes du Québec. On imagine ma stupéfaction (le choc !) lorsque j'ai reçu mon premier courrier signé de la personne qui s'occupe là-bas de mon dossier : |
Demain, 8 mars 2011
Je ne sais par quel mystère je suis également le destinataire de ce message alors que je ne connais absolument pas la jeune femme qui écrit. Ma réponse :
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Tchernobyl et Clémence
Le plan français de sécurité relatif aux accidents nucléaires, qui sera appliqué prochainement après l'accident de Fukushima, est un produit politicien qui a déjà été mis à l’épreuve avec succès lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Il avait consisté alors à interdire autoritairement au nuage radioactif de pénétrer au-dessus de notre territoire national. Qu’aurait pu faire un simple nuage, fût-il intelligent et délétère, face à un ordre aussi radical ? Rien. Obéissantes et craintives de nos frontières hostiles, les particules radioactives sont donc passées en Suisse et en Italie, elles ont ensuite docilement contourné la Corse, puis elles sont allées achever on ne sait où leur course meurtrière. Juste un problème pour moi et ma famille qui avions résidé (en France) là où il ne fallait pas résider en ce mauvais moment. Ma fille Clémence, âgée de 12 ans au début de sa maladie en décembre 1987, est morte en 1992 d’un rhabdomyosarcome (cancer des muscles) après quatre années d’un martyre effroyable que j'ai décrit dans mon livre Cueille la Nuit. Moi-même, âgé alors de 48 ans et en parfaite santé avant cela, c’est par miracle que j’ai survécu en 1993 à un grave et rarissime cancer thyroïdien dont la soudaine prolifération dans notre pays n’avait de cause possible (et admise ensuite) que le survol soi-disant inobservé du même méchant et fugace nuage. En raison certainement de ma profession scientifique (quoique non médicale), les médecins qui nous soignèrent, ma fille puis moi-même, m’ont toujours instruit de la réalité de notre mal ; grâce à eux j’ai eu accès aux revues médicales qui décrivaient les causes probables des deux maladies apparues chez nous comme en cascade. J’ai observé les discontinuités des statistiques illustrant les conséquences de l'accident de Tchernobyl quelques années après l'explosion ; sur des courbes savantes, de véritables murs verticaux y traduisaient de manière hallucinante la multiplication brutale par 10 ou 100 de certains types de cancer ! Les analyses mathématiques prouvent et expliquent sans équivoque les relations causales entre l'accident et les maladies probables observées aussitôt après ; et aucun scientifique sérieux, à moins qu'il ne soit aussi un personnage politique, n'oserait nier l'évidence de cette corrélation. On sait la croissance toujours actuelle des cancers d'enfants et celle des maladies thyroïdiennes en général, mais on évite encore de nous renseigner sur leur cause, sur leur prolifération inquiétante, et en particulier sur ce qui arrivera dans 10 ou 20 ans aux femmes des régions de Provence et de Corse qui étaient des jeunes filles en 1986. Tchernobyl, donc. Tout cela est consigné dans des rapports auxquels le commun du peuple n’a pas accès, écrits aussi en un jargon que seuls les spécialistes peuvent comprendre. Top secret ! Après les conséquences prochaines et inéluctables, en France comme partout, des accidents japonais, je ne doute pas que les autorités de notre pays ne continuent de nous mentir et d'entretenir notre optimisme. Mais c’est pour notre bien qu’elles le feront, car le bonheur du peuple réside d’abord dans l’ignorance des causes de son possible malheur, cela s’apprend dans les grandes écoles. Faisons donc confiance aux politiciens qui savent, ceux-là qui nous rassurent bien plus qu'ils ne se moquent (aussi) de nous. ALP - Blog du Figaro, 16 mars et 8 septembre 2011 |
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Post-scriptum du 18 mars 2011 (!) : Un non-lieu pour les victimes de Tchernobyl | |
SPARADRAP (correspondance avecle professeur Cohen-Salmon)
correspondance complète ici |
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Hommage à Jean-Marc Peyrard
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Noor
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Clémence et Billy Ma maison de Carantec a été cambriolée en 2012, en mon absence, par un jeune homme de 16 ans, Billy S., tout juste sorti de prison ; il a récidivé ensuite à main armée dans la région de Morlaix. Voilà qui lui vaut un procès d’assises pour lequel je suis assigné comme témoin. À la surprise du procureur, voici le texte inattendu de mon témoignage lu depuis le tribunal de Toulouse en visioconférence..
Le procureur, celui-là même qui m'a assigné comme témoin, va requérir sept années de prison pour Billy. Mais celui-ci ne sera condamné qu'à quatre années dont deux déjà faites et une avec sursis. |
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Dies Irae
Dimanche matin, 8 mars 2015. Vingt-trois ans exactement après l'envol de Clémence, j'apprends le décès brutal d'un voisin, M. X.
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Chère Fery...
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Christine Kelly
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Un projet de réédition de Cueille la Nuit aux Editions Laguasso ne verra sans doute pas le jour. On trouvera ci-dessous la jaquette qui était prévue ainsi que le marque-page.Quelques réactions de lecture, en plus de celles de Geneviève Jurgensen et de Claude Lucas que l'on peut lire plus haut, auraient été intégrées à l'avant-propos. | ![]() |
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Véronique Poivre d’Arvor, auteur de à Solenn (éditions Albin Michel, 2005) : J’ai lu Cueille la Nuit lors de sa parution ; j’avais alors été profondément bouleversée, et chaque étape du courage extraordinaire de Clémence m’a souvent fait relever la tête dans les phases d’abattement que la maladie de Solenn nous faisait traverser. Nos enfants si cruellement frappés dans leur intégrité physique, morale ou mentale, nous ont fait toucher du doigt ce qu’était le courage. Elles nous ont permis d’entrevoir la lumière divine. C’est la grandeur de leur mission sur terre, qu’elles en soient remerciées. |
Patrick Poivre d’Arvor, auteur de Elle n’était pas d’ici (éditions Albin Michel, 1995) : |
Christian Bobin, écrivain : J’ai lu Cueille la Nuit, c’est un livre sacré. Votre petite Clémence y passe dans chaque seconde de son martyre. Elle est vivante dans votre parole. On dirait que toute la douleur du monde s’est abattue sur elle et que, avec votre aide et celle de sa mère et de sa sœur, elle a transmué cette douleur en pur amour. C’est du moins à cette pureté et à cet amour que je suis amené par cette lecture : j’ai eu le cœur déchiré par vos mots. Déchiré et lavé. Il n’y a que de l’amour dans cette vie. Il n’y a que l’attention d’amour à donner à tous ceux que la vie nous amène. Voilà, voilà ce que vient me murmurer votre petite fille. |
Madeleine Chapsal, écrivain : Merci de votre beau livre de souffrance. Il est vrai, certains êtres ne font que traverser nos vies, mais l’empreinte qu’ils y laissent est peut-être d’autant plus forte. Cette petite fille vous a fait cadeau d’un livre, d’une relation accrue et approfondie avec autrui, d’un message à transmettre : courte ou longue, la vie est limitée, il n’y a que l’amour qui vaille la peine et chaque instant en est précieux. C’est ce qui se dégage de votre livre, qui le rend émouvant et si attachant. |
Alain Quilici, frère dominicain, écrivain : Bien chers Odile et Alain, nous sommes dans la semaine de l’octave de Pâques. Nous venons de fêter solennellement, comme nous savons le faire dans notre communauté, les mystères centraux de la Révélation chrétienne : la mort et la résurrection dans la gloire du Seigneur Jésus-Christ. Ces solennités sont précédées, comme vous le savez, du carême et de la Semaine Sainte. C’est pendant ce temps que j’ai lu votre ouvrage Cueille la Nuit. Je dis « votre » car c’est bien vous deux qui l’avez écrit, avec votre énergie, votre vie et votre courage, même si un seul a frappé le clavier. Ce fut une bonne lecture pour ce temps de prière et de méditation. […] |
Louis Pouliquen, cancérologue et écrivain : Il y a juste une semaine, j’achevais la lecture de votre livre Cueille la Nuit. Submergé par l’émotion, je n’aurais pu écrire cette lettre avant ce jour. Mon épouse l’avait lu auparavant, bouleversée. |
Michèle Jung-Rozenfarb, médecin et écrivain : Alain, j’ai acheté ton livre en pleurant, je l’ai lu en pleurant et je t’écris en pleurant. Que sont pour toi, pour Odile, pour Émilie, nos larmes à nous qui lisons ce récit tellement bouleversant, tellement terrifiant qu’on se surprend parfois à lire sans voir, à entendre sans écouter, dans une sorte de lâcheté qu’on refuse pourtant ? « Tous ceux dont le bonheur ne cherche pas à éviter le malheur des autres… » Il me semble être de ceux-là, j’en suis même certaine. Mais l’insupportable, pour nous qui lisons, c’est de savoir que nos lectures ne peuvent rien, que toute notre compassion est impuissante à vous soulager un peu, qu’il n’y a pas de partage possible de la douleur. |
D'autres livres relatifs à la mort des enfants et au deuil des parents :
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