Le mariage d'Émilie
et Nicolas
31 mai 2003
Capitole de Toulouse
église de Saint-Félix-Lauragais
château de Labastide-Beauvoir
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L'homélie du père Alain Quilici, dominicain

Mes bien chers
amis Nicolas et Émilie,
Le moment est
venu maintenant de vous engager devant Dieu. Vous vous êtes
déjà engagés l'un vis à vis de l'autre
dans le secret de votre cœur et par une décision mûrement
réfléchie. Vous vous êtes engagés aussi
officiellement devant la société rendant ainsi publique
votre décision de fonder une famille. Mais ce que nous allons
vivre ensemble maintenant est d'un tout autre ordre. Ce n'est ni
mieux, ni plus fort, ni plus sérieux : c'est autre chose.
Et je crois que cet autre chose, vous l'avez
bien perçu à mesure que vous avanciez dans la préparation
de vos noces.
C'est qu'il s'agit d'une aventure spirituelle dans laquelle vous
allez à la rencontre du Seigneur Jésus. Au fond, il
vous était assez étranger et indifférent au
départ, mais c'est Lui cependant qui vous inspirait de venir
demander sa bénédiction. Et c'est ce que vous avez
fait avec beaucoup d'ouverture et un grand désir d'être
honnêtes que j'ai admirés.
Et je pense que ce que vous avez découvert
c'est que la révélation chrétienne n'est pas
une affaire de connaissance, mais une affaire de rencontre personnelle
; une rencontre avec quelque qui vient de la part de Dieu et qui
nous aime, avec quelqu'un qui attend que nous l'aimions en retour.
Exactement ce que vous avez vécu et ce
que vous vivez l'un avec l'autre : une rencontre, finalement mystérieuse,
mais qui remplit d'un joie infinie et cette expérience non
moins mystérieuse qu'on appelle l'amour, mais dont on a bien
du mal à dire ce que c'est. Et puis ce désir de bâtir,
de bâtir une maison, de bâtir du solide et du durable.
Eh bien mes amis, ce que vous vivez l'un vis
à vis de l'autre, vous êtes invités à
le vivre ensemble avec le Seigneur Jésus. Il va, par ce sacrement,
sanctifier votre amour. Il va lui donner une réalité
vraiment divine. Il est ce roc, ce terrain solide sur lequel sera
bâtie votre maison. Et comme vient de nous le dire l'Évangile
la pluie peut tomber, les torrents dévaler, la tempête
souffler, votre maison tiendra.
Mais pour que cela se réalise il y a tout
de même quelque conditions à remplir, que je veux vous
rappeler et les rappeler aussi aux couples présents, pour
qui ça fera une petite révision. Car rien ne se fait
automatiquement. Il n'y a aucune magie dans la sacrement de mariage.
Il n'est en rien, à lui seul une garantie automatique de
réussite ni de bonheur.
Voici donc quelques condition de la réussite
de votre vie conjugale et familiale. Elles sont simples, mais elles
sont impératives. Elles ne sont pas facultatives.
La première est celle que vient d'énoncer
cet Evangile que vous avez vous-mêmes choisi : Tout homme
qui écoute la Parole de Dieu et la met en pratique est semblable
à quelqu'un qui a bâti sa maison sur le roc ….
La parole de Dieu c'est la source de la
vie. Il faut puiser à cette source pour avoir la vie, si
vous ne voulez pas dépérir. Lire l'Évangile,
vivre dans la familiarité du Christ Jésus, communier
à son corps et à son sang… Voilà ce qui
vous sera indispensable. Je sais bien que ce ne sera pas évident
pour vous de le faire, pour de multiples raisons. Mais permettez-moi
d'insister. Si vous voulez avoir la force de Dieu, il vous faut
vous adresser à Lui. Cela dit en termes modernes : si vous
voulez que le courant passe, il ne faut pas se débrancher.
La deuxième condition est non moins vitale.
(Nous avons longuement parlé pendant la préparation
de votre mariage). Votre couple est fondé sur une parole.
En vous disant OUI, c'est vous-mêmes qui vous donnez. Vous
vous donnez votre parole. On ne peut donner davantage. Vous devez
continuer à fonder votre relation sur une parole inlassable.
Ne cessez pas de vous parler en vérité. Je ne dis
pas de papoter, mais de vous donner toujours votre parole. Le drame
de bien des couples vient de ce qu'on ne s'y parle pas ou qu'on
s'y parle mal. On se côtoie sans se parler, sans s'écouter.
Et comme on dit en français ; on ne se parle pas, parce qu'on
ne s'écoute pas, donc on ne s'entend pas, et quand on ne
s'entend pas on se sépare. Qu'à Dieu ne plaise !
Vous devez à tout prix éviter cet
écueil en prenant la ferme résolution de toujours
vous parler en vérité.
Enfin, une troisième condition pour mener à
bien cette belle aventure spirituelle que vous inaugurez aujourd'hui,
c'est de toujours vous considérer l'un l'autre avec un infini
respect, de garder toujours l'un pour l'autre cette grande vertu
qui devrait être celle de tous ceux qui mènent la vie
commune : l'estime de l'autre.
Se dire toujours : quel bonheur de nous être
rencontrés ! Quel don du ciel de nous être aimés
! Comment ne pas rendre sans cesse grâce à Dieu pour
celui-celle que tu as mis sur ma route et qui m'est tellement supérieur.
Voilà la devise de la vie conjugale : se mettre au service
de l'autre qui nous est tellement supérieur.
Mes chers amis, Nicolas et Émilie, si
vous faites cela : puiser à la source de la parole de Dieu,
vous parler en vérité et vivre dans la plus grande
estime réciproque, n'ayez pas peur. Rien ne pourra venir
à bout de votre couple ni de votre famille.
La force de Dieu sera votre force.
Amen.
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Le discours du père de la mariée
« Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval le soir d’une bataille
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit… »
VICTOR HUGO. Après
la bataille.
Quand Émilie et Clémence
étaient bébés, je venais tous les soirs dans
leur chambre pour leur raconter des histoires, et lorsque j’arrivais
à cours d’imagination, je leur récitais des
poésies. Comme ces chères petites avaient respectivement
moins de trois ans et moins de deux ans, elles ne comprenaient
pas toujours grand chose à ce que je disais ; je m’efforçais
seulement de leur parler avec conviction, d’une voix musicale
pour les intéresser, et avec des effets de théâtre
pour les amuser. Le souvenir que je gardais de quelques textes
puissants me procurait aussi l’occasion de les déclamer
pour moi-même, tout fort, et cela sans craindre les moqueries
que ma mise en scène aurait suscitées chez n’importe
qui d’autre que chez mes deux petites filles. Tous les soirs
donc, « Mon père ce héros… » s’intercalait entre du Racine et du Ronsard, entre
du Baudelaire et du Mallarmé… À vrai dire
je ne faisais que répéter pieusement la propre mise
en scène de mon père qui, drapé tel César
dans une vaste serviette de bain et dans un lyrisme hugolien,
transmettait les témoins de ses émotions littéraires
à ma sœur, à mon frère et à moi-même,
tous les trois délicieusement terrifiés parfois,
et blottis l’un contre l’autre dans un même
grand lit.
« Mon père ce héros… » À défaut d’être moi-même
un héros, sans doute eussé-je fait un bon acteur
dans un théâtre pour enfants. Car le vibrato de ma
récitation, le fameux cri surtout, le pathétique
« Caramba ! » que je poussais en brandissant un pistolet
fictif, fascinaient Émilie qui, quelques vers plus loin,
après la chute fameuse du chapeau, après le recul
du cheval et après le dernier vers sublime, dans le silence
et l’immobilité revenus, me suppliait : « Papa,
dis-nous encore Mon père ce héros… » Et je récitais donc le poème à nouveau,
sans me faire prier davantage, bénissant Victor Hugo pour
ce bienheureux et nouvel instant qu’il m’offrait avec
mes deux petites filles.
Tout cela se passait avant qu’Émilie
eût trois ans. Le 11 mars 1977, la veille de son anniversaire,
alors que la routine du soir me conduisait une fois de plus à
leur narrer l’héroïsme d’un père
et à leur suggérer celui possible de tant d’autres,
voilà qu’Émilie m’arrête à
l’instant même où je vais commencer mon numéro,
et elle me dit :
— Papa, je sais.
— Tu sais quoi, ma chérie ?
— Je sais « Mon père ce héros… »
Et voilà qu’elle me récite le poème
tout d’un trait, sans qu’un seul instant cette délicieuse
enfant ne me quitte du regard, consciente (mais oui !) de l’or
qu’elle fait couler dans mon cœur !
Père sensible, fier évidemment de la
performance de sa petite fille, d’autant plus fier que c’était
là la transmission du message de mon père, cet instant
reste gravé dans ma mémoire. Ma mémoire est
pleine de riches instants passés avec Émilie, mais
parmi tous ceux-là celui que je viens de relater est l’un
de ceux qui continuent à m’émouvoir le plus
; c’est à cause de la jeunesse de l’enfant,
bien sûr, et à cause aussi de sa continuité
avec moi qu’elle assurait, dès le jour de ses trois
ans, de manière innocente et drôle, en récitant
les vers symboliques et fétiches de ma propre culture.
Puisqu’il est d’usage qu’un père
fasse un bref éloge de sa fille lors de son mariage, c’est
donc cet instant merveilleux que j’ai voulu rappeler ici.
Par cette évocation heureuse, je dis également à
Émilie toute la joie qui est la mienne de l’avoir
eue, et de la garder, comme enfant. Et c’est un grand plaisir
pour moi, et pour Odile aussi, de confier aujourd’hui notre
fille à Nicolas, son héros que nous aimons tant,
et dont le « sourire si doux » nous laisse déjà
imaginer d’autres moments de grâce dans les chambres
de leurs enfants à venir.
Mon discours serait évidemment incomplet si
je ne disais le bonheur que je sais, aujourd’hui, être
celui de Clémence ; elle est plus que jamais présente
auprès de sa chère grande sœur ; elle est ici
; elle rayonne parmi nous ; sa joie nous environne ; son rire
se mêle aux nôtres. Merci à vous tous qui êtes là de l'entendre.
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