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(une affaire de famille)

Guy-Crescent FAGON, médecin de Louis XIV

     Figurine en porcelaine polychrome représentant le docteur Fagon, hauteur 24 cm, ca 1800.

      Botaniste et médecin de Louis XIV, le docteur Fagon fut représenté par la manufacture de Sèvres, mais aussi par celles de Naples ou de Buen Retiro. La figurine ci-contre vient de l'une de ces deux dernières.

      En 1774, la manufacture de Sèvres crée une nouvelle statuette, celle du docteur Fagon. La vogue des sujets et groupes réalisés par Meissen pousse en effet ses rivales à s'engager aussi dans cette voie. Charles de Bourbon, infant d'Espagne, avait reçu en 1733 le royaume des Deux-Siciles et, devenu Charles VII, s'installe à Naples qu'il ne tarde pas à embellir. Pour rivaliser avec son beau-père, l'électeur de Saxe Auguste III, il décide de fonder une manufacture de porcelaine. à la mort de son frère, le voici roi d'Espagne sous le nom de Charles III et il s'empresse d'édifier, dans les jardins du palais royal de Madrid, la fabrique de Buen Retiro. Certains modèles de Sèvres furent copiés par ces manufactures aux productions fort similaires. Petite-fille de Louis XV, Marie-Louise de Bourbon-Parme, épouse de Charles IV d'Espagne, possédait peut-être un exemplaire de ce portrait du médecin de son trisaïeul. Les archives de la manufacture de Sèvres conservent la trace d'une livraison à madame Adélaïde, l'une de ses tantes. Car Guy-Crescent Fagon s'était acquis le respect de ses confrères et les faveurs royales ! Le duc de Saint-Simon, connu pour avoir la dent dure envers la Cour, dresse son portrait : « Fagon était un des beaux et bons esprits de l'Europe, curieux de tout ce qui avait trait à son métier, grand botaniste, bon chimiste, habile connaisseur en chirurgie, excellent médecin et grand praticien »... Un éloge plus flatteur que son physique. Petit, bossu, affligé de claudication et d'une grande maigreur, Fagon souffrait entre autres d'asthme et de calculs. Malgré cette santé délicate et grâce à une hygiène de vie très stricte, il vécut jusqu'à quatre-vingts ans.

      Fagon naît en 1638 au Jardin des Plantes, fondé par son oncle Guy de La Brosse. Il fait de brillantes études et obtient son titre de docteur en médecine en 1664, même s'il a osé soutenir une thèse sur la circulation sanguine - révolutionnaire à l'époque. Comme le souligne Fontenelle, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences dans son éloge de M. Fagon, « La surintendance du jardin Royal étoit attachée à la place de premier Médecin ». Celui de l'époque, Antoine Vallot, charge Fagon de prélever des plantes dans les provinces françaises et d'employer tous les moyens pour rassembler des plantes exotiques. A l'initiative de Denis Joncquet, notre bon docteur collabore et rédige la plupart des descriptions d'Hortus Regius, catalogue des plantes du Jardin du roi. Il est aussi nommé professeur de botanique et de chimie. « En même temps, écrit Fontenelle, il exerçoit la Médecine dans Paris avec tout le soin, l'application [...] ne recevoit jamais aucun payement ». De telles qualités ne pouvaient manquer d'attirer l'attention de Louis XIV, qui se l'attache comme premier médecin en 1693, rétablissant à l'occasion le lien entre surintendant du Jardin du roi et ce poste que Fagon occupera même après la mort du monarque, jusqu'à son propre décès en 1718. Son pouvoir était de fait immense : la pharmacie du royaume (examens, expérimentations, droits de prescription, brevets et monopoles) était sous la juridiction de ce membre de la faculté de médecine, ainsi que la nomination des médecins ordinaires du roi. Cependant, ses contemporains sont unanimes à vanter son intégrité, son érudition et son appétit de savoir. On se plaît à penser que ces vertus seules sont la raison du choix de cette figurine...

(Extrait de La Gazette de l'Hôtel Drouot, 26 octobre 2007, N° 37)

Note qui n'a rien à voir : Alors que pour Fagon la pierre et le calcul se confondent dans les mots (et dans les maux !), il est au moins un autre cas où ils sont l'une et l'autre attachés par l'esprit. Voir ici.

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